Le droit français des mesures conservatoires est réfractaire à l'internationalisation. Le juge ne peut en effet autoriser une saisie conservatoire que sur les seuls biens situés dans son ressort juridictionnel, et il refusera de reconnaître toute décision étrangère qui entendrait opérer le gel d'avoirs se trouvant sur le territoire français. Pourtant, les raisons invoquées au soutien de cet état du droit positif ne convainquent pas. Le droit international public, tout d'abord, n'impose aucune restriction qui interdirait à ces décisions particulières de circuler. En outre, en droit international privé, le rattachement traditionnel des mesures conservatoires au droit de l'exécution forcée ne semble pas fondé. L'étude des droits étrangers est à cet égard riche d'enseignements. En Allemagne, en Italie et surtout au Royaume-Uni, le juge s'autorise à prononcer des mesures à effet extraterritorial. L'injonction anglaise Mareva, en particulier, connaît une évolution rapide, et semble s'adapter aux besoins sans cesse renouvelés des justiciables victimes de fraudes aux dimensions planétaires. Pour ces ordres juridiques, le prochain défi en la matière consistera à reconnaître les mesures conservatoires étrangères. Mais admettre l'extra-territorialité, c'est immédiatement poser de nombreuses et épineuses questions qui ne peuvent être éludées. Il s'agira alors d'envisager les critères de compétence du juge saisi d'une telle requête, de rechercher la loi qu'il devra appliquer et de s'interroger sur les modalités de l'accueil de mesures étrangères qui pourraient différer profondément de celles prévues par le droit français.
|