Depuis un siècle, qu'il soit classique ou d'affectation, le patrimoine est mis en avant par tous les manuels. Les critiques doctrinales dont il fait l'objet sont restées purement internes, à l'opposé de toute contestation. Cette étude critique de la notion de patrimoine en droit privé actuel propose au contraire une remise en cause externe. L'hypothèse est que le patrimoine, spatialement et temporellement situé, n'a rien de nécessaire. La proposition est donc son abandon pur et simple, au moins dans son sens technique. Surprenante, cette suggestion n'en est pas moins de nature à renouveler la dogmatique juridique. Elle permet une distinction des biens et des dettes plus propre à expliquer le sort différent qui leur est souvent réservé, l'autonomie patrimoniale d'un ensemble de biens ou d'un groupement répondant à des considérations de politique juridique bien plus que de technique. Non seulement cet abandon de la notion juridique de patrimoine permet de mieux comprendre les notions qu'on prétend expliquer grâce à lui : « gage général, subrogation réelle... », mais en outre, il assure la reconnaissance de mécanismes que l'omnipotence du patrimoine avait contraint à la marginalité : « universalités de biens, successions anomales, groupements non personnifiés... ». Finalement, le phénomène collectif est mieux appréhendé sans le patrimoine qu'avec lui ; l'exemple de la transmission universelle en droit des sociétés en fournit une parfaite illustration.
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