Les innombrables affaires dans lesquelles on constate une tentative de dialogue entre juridictions arbitrales et étatiques montrent souvent un décalage entre les interprétations des juges et arbitres pour encadrer leurs solutions dans un ordre arbitral autonome, et l'absence d'une préoccupation plus pragmatique quant à l'équité de ces solutions pour les parties concernées. Les mesures pré-arbitrales dans des fors incompétents, les « torpédos », les annulations illégitimes, les tentatives d'exequatur de sentences légitimement annulées ailleurs, constituent autant d'exemples de manoeuvres des parties entraînées par ce décalage, que l'on tente de contrôler par des mécanismes encore trop fondés sur des critères rigides et typiques d'une méthode conflictuelle, laquelle est inadaptée à la nature transnationale de l'ordre arbitral. Pour y remédier, Daniel Levy propose de remplacer la fraude, l'estoppel ou la mauvaise foi par l'abus de droit, comme critère de la litispendance, de la res judicata, du forum non conveniens, de l'ordre public et même du dialogue entre différents fors concernés par la sentence, ainsi que comme sanction de ces tactiques. Sa nature flexible, fonctionnelle et pragmatique semble faite sur mesure pour intégrer les mécanismes d'un système en formation, qui ne peut être légitimé que par la somme des solutions équitables de chacune de ses procédures, et non seulement par la beauté de sa construction.
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